11.2.10

Caméléon

Ou l'art de s'adapter à son environnement...

Durant mon adolescence, vu de l'extérieur j'étais quelqu'un de raisonnable : pas de sorties en boîte (en même temps dans un bled de 6000 habitants, les boîtes c'étaient pas à tous les carrefours...), pas de "cuite" au bar du coin (là pour le coup, il y en avait presque autant que d'habitants...), pas de drogue, pas de petits copains qui défilaient, pas d'expériences dangereuses ou limites, et peu de gens savaient qu'à l'époque je fumais (des cigarettes légales hein, n'allez pas vous méprendre non plus...). Et puis j'étais pompier donc, j'estimais avoir une certaine image à donner... et elle me correspondait pour partie !!! J'étais quelqu'un d'introvertie, d'exigeante avec moi même, de secrète, il me fallait tout contrôler de l'image lisse et dans la "norme" que je renvoyais. Peu de gens savaient qui j'étais réellement. On me voyait comme quelqu'un de timide mais sympa, agréable.

Quelle ironie... car j'étais tout le contraire au fond de moi, hors-norme. Un mal-être permanent me tenait compagnie, des sentiments confus me tenaillaient. Le seul lieu où cela était vaguement perceptible, c'était au lycée ou plutôt dans mes résultats... parce que sinon, niveau comportement j'étais l'élève modèle, pas d'amis mais je ne faisais pas de vagues !
Mais une fois fermée la porte de la maison, c'était tout autre chose !!! J'ai poussé mes parents à bout plus d'une fois, j'ai été insultante, méprisante, violente verbalement, odieuse. Je pouvais rester enfermée des jours entiers dans ma chambre, dans mon mutisme, à fumer des clopes (chose que mes parents ne cautionnaient pas vraiment... soyez en sûrs !) en écoutant mes K7 des Doors (oui ben je ne suis plus toute jeune donc à l'époque de mes 16 ans c'étaient encore les K7...). La nuit, je ne dormais pas, impossible, j'étais submergée par l'angoisse, celle qu'on n'explique pas, qu'on ne comprend pas... je réveillais ma soeur pour qu'elle me tienne compagnie, je ne voulais pas être la seule à ne pas dormir. J'étais révoltée contre moi-même, contre ce que je ne comprenais pas... Je ne voulais pas devenir "une femme", je ne voulais pas de ce corps qui se transformait. Je le refusais... au point de commettre ce qui aurait pu être "l'irréparable"... Ce corps, je ne l'accepte toujours pas aujourd'hui.

Un jour, je me suis calmée "extérieurement" parce qu'en moi, la tempête faisait toujours rage. Je me suis persuadée que je serai épanouie qu'une fois que je serai en couple avec des enfants, et que vers 30 ou 35 ans, je serai enfin heureuse et bien dans ma vie. La norme...
L'Homme, est arrivé naturellement, sans que je me sois trop posée de questions à ce moment-là... J'étais dans le déni complet de ce que j'avais été ado, j'étais shootée aux anti-dépresseurs et aux somnifères à 24 ans. Perdue... dans une bulle chimique. Il ignore encore ce que j'étais vraiment à notre rencontre...
L'Homme je le connaissais depuis l'enfance (ce sera l'objet d'un billet un jour...), j'ai laissé s'éloigner de moi des gens que j'aimais, d'autres qui me parasitaient, et j'ai cru qu'il m'était suffisant. Je me suis créée une nouvelle bulle sans médocs, qui me paraissait rassurante à cette époque. Et on a un peu, (beaucoup) oublié de vivre à deux sans enfant.

Princesse n°1 est apparue dans notre vie, 9 mois seulement après que nous nous soyons installés ensemble. Elle ne le sait pas et ne le saura sans doute jamais, mais elle m'a sauvée la vie en débarquant ainsi !

Et puis, nos choix, notre quotidien aussi, ont fait que nous avons décidé d'avoir Princesse n°2 rapidement après. En trois ans, j'avais construit ce que je me persuadais d'être mon idéal de vie...
Les premières années en tant que Maman, je n'ai pas touché terre, j'étais dans ma bulle, je n'étais pas une "femme" mais uniquement une mère et cela me convenait parfaitement. Oh certe, une mère angoissée, paniquée, exigeante. Espérant bien sûr être LA mère parfaite... Ce rôle de maman, je l'ai adoré, idéalisé parfois et je me suis remise une pression monstre pour que mes princesses soient heureuses, équilibrées, bien élevées... dans la norme (toujours).

Et puis la vie suit son cours, les princesses deviennent chaque jour un peu plus indépendantes. Elles ont un peu moins besoin de leur Maman et ma bête noire me revient en pleine figure... Je reste leur maman, mais je ne suis plus une Maman, ce personnage qui peut occulter la Femme. Alors, je bargeotte (merci Fanny, j'adore ce terme), je rumine, et me rend compte au fil du temps que je ne suis toujours pas épanouie... Et c'est sans doute une des raisons qui fait, que l'envie d'un petit dernier me taraude autant. (voir là)

J'ai toujours nié ce que je suis au plus profond de moi, j'ai toujours refusé de donner l'image qui correspond à ce que je suis vraiment... Depuis quelque temps, je pars en "vrille" comme dit l'expression, je me perds chaque jour un peu plus dans les méandres de mes questionnements personnels... J'assume mon image "publique", j'assume ma vie de famille et surtout, je ne la regrette pas... ce que je regrette en revanche, c'est de ne pas être moi !